Franz-Welser--Möst et le Cleveland Orchestra jouent Mahler à la Philharmonie de Paris


Comme à l’accoutumée, l’Orchestre de Cleveland est venu livrer une démonstration de splendeur, dont le niveau exceptionnel ne doit pas être banalisé, y compris vis-à-vis de la sévère concurrence américaine. Dans une partition-Everest dont la phalange de l’Ohio déjoue (presque) tous les pièges avec une déconcertante aisance, que nous donne à voir et sentir le toujours controversé Welser-Möst ? Bien des vertus, et bien de l’inachevé. Qui, au contraire d'autres moins singuliers, donne au moins à réfléchir.

On peut et on devrait avoir envie d’aimer la direction de Franz Welser-Möst, pour une raison simple : la même que pour tous les chefs (et il n’y en a pas tant que cela, d’autant qu’ils ont une regrettable tendance à trépasser) qui n’effectuent de gestes que pour leurs musiciens. On est d’autant fondé à y croire que l’on a entendu de bien belles exécutions sous sa direction, et que sous son mandat commencé il y a maintenant 15 ans, l’orchestre a fait mieux que tenir son rang historique dans la féroce compétition de l’excellence à l’américaine. Il a achevé comme les autres la mue vers une formation tout-terrain et capable de prendre en charge la création, sans pour autant (ce qui mérite d’être souligné, surtout en regard de la norme rampante en Europe) faire dans le répertoire du premier classicisme de concessions aux modes de jeu spécialisés. De façon plus générale, peu d’orchestres, américains et au-delà, opérant à ce niveau d’exigence, ont conservé une identité, et même une singularité sonore. De tout cela, Welser-Möst doit être crédité. Au fond, hors toute appréciation des dimensions interprétatives atteintes, il a su inscrire ses pas dans ceux si imposants de Szell et Dohnanyi, en ménageant comme eux un savant équilibre entre exigences de conservation et de modernité, d’absolue excellence virtuose et de refus du clinquant. Plus encore peut-être que Boston et Philadelphie aujourd’hui, Cleveland sonne comme un superbe orchestre ouest-européen, dont les caractéristiques saillantes - un équilibre plutôt haut, un son de cordes exceptionnellement soyeux et dominant, surtout aux violons, des bois intenses et chaleureux à tous les étages, et des cuivres toujours subtils et fondus  - se rapprochent notamment de la Radio Bavaroise, et un peu du Concertgebouw. Lire la suite sur Wanderer