Concert des 80 ans du Philhar : Mikko Franck dirige Ravel, Debussy, Stravinsky

Ravel, Tout est lumière, La Nuit et l’Aurore
Debussy, Nocturnes
Stravinsky, Le Sacre du printemps
Barbara Assouline soprano
Pascal Bourgeois ténor
Maîtrise de Radio-France
Chœur de Radio-France
Orchestre Philharmonique de Radio-France
Mikko Franck, direction
Photo C. Abramowitz/Radio-France
Pour son quatre-vingtième anniversaire, le Philhar proposait une manière de programme circonstancié. Le Sacre est la solution naturelle des grandes occasions, quand ce n’est pas la 2e ou la 5e de Mahler. L’œuvre réussit décidément aux formations de Radio-France, après les excellents concerts d'intronisation (2008) et de centenaire de l'oeuvre (1913) offerts par Daniele Gatti et le National. Un grand Debussy (La Mer avait déjà été dirigée par Franck la saison passée), et Ravel dont la mort coïncide avec la naissance de l’Orchestre Radio-Symphonique complétaient cette belle soirée de fête et de rentrée.



Il n’était sans doute pas aussi nécessaire d’exhumer au concert les partitions d’impétrance académique romaine de Ravel. Le fait qu’elle ne soit même pas antérieures aux premières compositions importantes de Ravel en diminue considérablement le seul intérêt documentaire, puisque Tout est lumière, La Nuit et l’Aurore ne témoignent nullement d’une étape de l’évolution du langage ou du style du compositeur. Certes, il existe des exemples de pas de côté, d’exercices de style et de services commandés de grands compositeurs qui ont débouché sur de la bonne musique. En dernière instance, il faut bien demander à propos de ces trois chœurs avec solistes et grand orchestre : la musique est-elle assez bonne pour valoir la peine de ces moyens ? Eh bien non. Et il est facile (puisqu’il est mort il y a 80 ans) de mettre un bras à couper que Ravel n’aurait pas été ravi que l’on ressorte ces tentatives tape-à-l’œil de faire rentrer dans le moule du Prix de Rome son appétence pour les harmonies orientales et l’orchestration féérique en même temps que la preuve d’un savoir-faire choral scolaire. Le caractère massif de ces micros cantates au raffinement épisodique les tire (surtout La Nuit) d’une certaine manière vers l’orientalisme symphonique szymanowskien, naturellement dans un geste plus contraint et séquencé, mais presque aussi boursouflé. Il est sans doute heureux que Ravel n’ait pas persisté dans cette voie.
Le Debussy de Franck, tel qu’on le voit se dessiner saison après saison, est comme presque tout ce qu’il touche : plus personnel qu’il n’en a l’air. C’est qu’il est en fait souvent difficile de dire ce qui est saillant et fait qu’un chef imprime sa marque dans la musique de Debussy : il y a eu, ces trente dernières années, des gloires particulières aux Debussy de Boulez, d’Abbado, de Salonen, de Haitink, mais en-dehors d’une perfection de réalisation souvent hors du commun, comment les caractériser ? La question générale ne peut être traitée ici mais mérite qu’on y réfléchisse, qu’on s’en souvienne au moment d’évoquer un Mikko Franck qui a tout d’un futur debussyste marquant pour son temps.
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